Retraites 1884
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SEPTIÈME
INSTRUCTION
Les qualités de l'obéissance
Il ne faut pas vous fatiguer de la retraite. Au Campo Santo de Gênes j'ai lu
cette inscription: "Je n'emporte que ce que j'ai donné et ce que j’ai
souffert”. Continuons à parler de l'obéissance. La bonne Mère avait une dévotion
très grande à ces paroles du Psalmiste: “Fais-moi connaître, Yahvé, tes
voies, enseigne-moi tes sentiers” (Ps [24] 25:4). Elle les répétait
souvent. Nos Constitutions portent que nous devons obéir à notre Saint-Père
le Pape, au Supérieur général et aux Supérieurs provinciaux et locaux du
pieux Institut.
A notre Saint-Père le Pape: Nous devons être les serviteurs et les enfants
soumis du Pape et de l'Eglise, non seulement dans les choses commandées et de
foi, mais dans les choses que nous savons être désirées par l'Eglise ou le
Souverain Pontife. La bonne Mère Marie de Sales avait un culte profond de
l'Eglise et du Souverain Pontife. Elle fut l'un des agents efficaces du retour
de la France à la liturgie romaine. Ceci est un fait qui sera acquis à
l'histoire; elle détermina le Diocèse de Troyes, et le Diocèse de Troyes
fut le premier de France qui revint à la liturgie romaine. Soyons fidèles à
bien réciter l'oraison pro Papa. Prions souvent l'ange gardien du Souverain
Pontife de le garder et l’inspirer, et rappelons-nous ce que demandait de
nous Léon XIII, d’être des hommes de sacrifice “jusqu’à l’effusion
du sang”.
L'obéissance au Souverain Pontife
nous coûtera peu. Il en est de même de l'obéissance au Supérieur général.
Il n'est pas difficile de lui obéir; il ne soumet pas votre jugement à des
épreuves bien rudes, et s’il est un reproche qu'on peut lui faire discrètement,
sans doute, mais d'une façon bien significative et bien claire, c'est de
prendre trop de précautions dans la manière de commander. L’obéissance
aux Supérieurs provinciaux, quand il y en aura, coûtera peu aussi: ils
seront loin. Mais pour les Supérieurs locaux, c'est chose différente. Vivre
côte à côte continuellement, avoir un Supérieur qui ne plaît pas, qui n'a
pas grande valeur, un Supérieur de deux sous, et lui obéir continuellement
et complètement, et lui soumettre son jugement surtout, voilà ce qui est
difficile. Moi, je déclare, mes chers amis, qu'humainement c'est impossible.
Pour ma part, je ne le pourrais jamais: faire taire mon jugement devant le
jugement d'un autre, jamais! Oh! il faut pour cela un secours tout particulier
de Dieu. A moins d'être une bonne âme, toute naïve, pour ne pas dire toute
bête, c'est un miracle. Mais il faut que ce miracle s'accomplisse.
Oui, il faut soumettre non seulement votre volonté, cela va sans dire et
personne ne refuse sa volonté. Mais il faut encore soumettre son jugement,
couper court, ne pas raisonner, offrir tout cela au bon Dieu, et aller tout
droit, tête baissée, fermant les yeux: “Voilà ce qui m'est commandé, je
le fais parce que cela m’est commandé”. Ne discutez pas même pour
essayer d’accorder le commandement avec ce que dit votre propre jugement.
Vous aurez plus tôt fait d'aller les yeux fermés, et vous courrez moins de
risque. Obéissance aveugle, obéissance brutale et irrationnelle. Etes-vous résolu
à faire tout cela ? La retraite est finie, nous n’avons plus qu’à nous
croiser les bras, nous n’avons plus rien à faire.
Il y avait à la Visitation une Sœur fort intelligente, la Sœur
Marthe-Elisabeth. On venait d'apporter une statue de saint Joseph, et la
communauté était en admiration: "Oh! qu'il est joli! Oh! qu'il est dévot!
Quelle expression dans la figure!”. Survint la Sœur Marthe-Elisabeth, qui
ne put réprimer son premier mouvement: “Mais, ma Mère, on a été chercher
le plus vilain homme de la ville de Troyes pour faire son portrait!” La
remarque était aussi judicieuse que maligne, mais la bonne Mère voulut
donner une leçon à la Religieuse si attachée à son propre jugement. “Eh!
bien, ma Sœur, puisque ce saint Joseph n’est pas de votre goût, vous allez
nous en faire un autre plus beau. Allez prendre de la terre qui est auprès du
puits et vous ferez une autre statue”. La pauvre Sœur obéit comme elle put,
et quand elle eut fini elle apporta son ouvrage: “Allez mettre cela
maintenant dans la niche de l'escalier, et comme vous devez donner le bon
exemple à la communauté, quand elle devra passer par là, vous viendrez
toujours la première, et vous vous mettrez à genoux devant votre saint
Joseph pendant que la communauté passera”. La Sœur obéit, et la pénitence
dura longtemps. Mgr des Hons en fut un jour le témoin, il demanda ce que cela
signifiait. On fit venir la Sœur Marthe-Elisabeth, qui raconta son histoire
humblement. “Ma Mère, dit Mgr des Hons, je ne m’étonne plus maintenant
que vous fassiez des saintes!”
Obéissance prompte. La Règle nous demande de laisser, au premier coup de
cloche une lettre à demi formée; voilà la mesure de la promptitude qui nous
est demandée.
Obéissance cordiale. Faire bon visage à toute obéissance quelle qu’elle
soit; ne pas demander à un Supérieur ce que l’autre a refusé, sans prévenir
du refus; s'appliquer cordialement à accomplir minutieusement les plus
petites prescriptions de la Règle.
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