QUATRIÈME
INSTRUCTION
La
charité
Une vertu spéciale, particulière,
dont la pratique pour 1’Oblat s’impose entre toutes les autres, c’est la
charité. C est le commandement du Sauveur, son commandement nouveau: “Je
vous donne un commandement nouveau: vous aimer les uns les autres” (Jn
13:34). Dans la Loi ancienne, Dieu en avait jeté sans doute les grands traits;
mais c'est le commandement vraiment nouveau. Et la Sainte Vierge? Cette charité,
elle est belle entre toutes les vertus, et la Sainte Vierge a voulu en être
la mère. Et saint François de Sales? Il voulait fonder un grand ordre sans
voeux, où la charité serait l'unique lien. N'est-ce pas un peu ce que nous
trouvons à la Visitation? Car avec l'obéissance, qu'est-ce qui remplit les
Constitutions sinon la charité? La charité suit un ordre: quel est cet ordre
pour l’Oblat de saint François de Sales?
Ce sont d'abord nos parents.
Vais-je donc contredire les saints et les maîtres de la vie religieuse? Et
saint Jérôme qui me dit: “Licet in limine pater jaceat, per calcatum perge
patrem” - “Même si ton père gît sur le seuil, passe-lui par-dessus”.
Non, mais je dirai: “Aimez vos parents et témoignez-leur cet amour par la
prière, la prière à l'autel”. Demandons à Dieu ses bénédictions pour
nos parents, mettons-nous entre eux et lui, et ceux-ci bientôt sentiront les
effets de la grâce. Nous devons avoir à cœur le salut et le bonheur de nos
parents. Au temps même de saint François de Sales et de sainte Jeanne de
Chantal, nous voyions les parents venir se grouper autour de la Visitation et
y chercher la lumière et les grâces de Dieu.
C'est, en second lieu, nos frères
dans la vocation. Et la mesure de la charité que nous devons avoir pour eux,
c'est la mesure de l'amour fraternel. Devant Dieu nous sommes frères.
Aimons-nous comme des frères. Ai-je des reproches à vous faire? Non, grâce
à Dieu. Je le remercie de ce que je vois et de ce que j'entends. Mais, ne
pourrions-nous pas faire mieux encore? ceux surtout qui ont quelque autorité,
par exemple dans la manière de commander, de reprendre? Que j'aime saint François
de Sales, commandant à son domestique: “François, si cela ne vous dérangeait
pas trop d'apporter mon bréviaire".
Adoptons ces formes de la charité. C'est difficile, je le sais, il
faut avoir sans cesse son cœur dans sa main.
Viennent ensuite ces âmes à
qui Dieu a donné quelque chose de nos grâces, ces âmes dans lesquelles nous
voyons l'appel du divin Maître, où Dieu nous révèle une vocation à notre
vie. Donnons-nous à elles, ouvrons-leur notre cœur. Sans doute, il faut de
la prudence, de la réserve; il faut prendre dix et cent fois plus de précautions
pour éviter le péril que pour favoriser la grâce. C'est le feu que le chérubin
prend sur l'autel, non pas avec ses mains, encore moins avec son cœur, mais
avec les pinces d'or de l'autel des holocaustes (Is 6:6). Ces restrictions
faites, donnons à ces âmes tous nos soins et notre dilection. Aidons les
vocations, et ces vocations seront nombreuses. On me l'a promis, on me l'a
assuré, le nombre en sera immense.
Puis viennent toutes ces âmes
qui nous sont unies par la même foi, et qui doivent nous être unies plus
intimement encore par les liens de la charité, puisqu'elles sont nos frères
et nos sœurs. Marie vient trouver Jésus avec Jacques et Jude, les cousins du
Sauveur. On a dit à Jésus: “Votre mère et vos frères sont là qui vous
attendent”. “Quiconque fait la volonté de mon Père qui est dans les
cieux,” répond Jésus, “celui-là est mon frère et ma sœur et ma mère"
(Mt 12:50). Aimons donc tous ceux qui sont ainsi nos frères et nos sœurs, évitons
tout ce qui, dans nos paroles, dans nos actions peut blesser la charité.
Qu'on nous méprise, qu’on ne nous estime pas, peu importe, mais qu'on
puisse dire de nous au moins que nous pratiquons la charité !

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